La loi Evin a « fêté » ses 30 ans en 2021. Son double objectif visait à lutter contre deux fléaux, le tabac et l’alcool, par un encadrement hyper strict de leur publicité. Leur coût social, incontestable, reste difficile à chiffrer précisément. Si l’industrie du tabac a fini par faire profil bas au fil du temps, les professionnels du vin n’ont jamais été dociles. Depuis 1991, la guerre est déclarée entre deux mondes que tout oppose. D’un côté, les défenseurs d’une double culture, la terre et l’art de vivre. De l’autre, ceux de la santé mais, disons-le aussi, de la morale.
Pour Vignobles Infos, nous choisissons évidemment le camp du vin… avec modération car il ne s’agit pas de hurler avec les loups mais de poser des questions de bon sens. Le vin est-il un alcool comme un autre ? Comment peut-on demander la fin de sa consommation dans notre pays qui l’a érigé en culture enviée partout dans le monde ? Comment imaginer donner autant de mauvais coups à l’économie la plus florissante après l’aéronautique ? Pourquoi ne pas reconnaître – car les données le montrent – que l’alcoolisme n’a pas diminué avec cette loi ? Est-ce qu’on devient alcoolique en regardant des affiches publicitaires ou parce qu’un terreau social a préparé le terrain ?
En 2022, la vente de spiritueux a augmenté de +62 % quand la consommation de vin ne cesse, elle, de baisser. Dans ce fléchissement, les jeunes générations jouent un rôle de premier plan en consommant moins mais mieux car soucieuses de santé autant que de qualité des vins. Voici donc un atout majeur que les professionnels semblent avoir enfin compris en proposant à la fois des vins de plus en plus qualitatifs et d’autres boissons mieux adaptées à la demande actuelle. Si la loi a été un peu assouplie sous l’action de politiques lucides et bons vivants, il n’en est rien pour le camp adverse, figé dans ses certitudes.
Jeter l’anathème sur le vin n’est pas nouveau : depuis des siècles, l’ivresse imprègne notre société et nourrit les récits païens autant que religieux. La Loi Evin ne vient donc pas de nulle part. Mais, par son manque de nuance et d’ouverture, elle fait du vin un combat contre la culture, notre culture, alors qu’elle devrait lutter contre l’alcoolisme, une maladie. La première concilie plaisir et santé. La deuxième non.